
Le Cher grossi de l’Auron, l’Allier grossi de la Sioule – 81,5*97 cm – 2025
Huile sur toile
Je suis partie de Madame Cézanne à l’éventail.
Non pour la citer, ni pour la corriger, mais pour y
traverser quelque chose. Une pose statique, repliée,
presque résignée, qui devient ici un seuil.
Mon tableau porte un titre de confluence
– Le Cher grossi de l’Auron, l’Allier grossi de la Sioule –
car il s’agit bien d’un afflux, d’un débordement,
d’un visage qui arrive sans modèle, sans emprunt,
comme on entre dans une eau trouble et familière.
Ce titre dit aussi qu’aucune émergence n’est solitaire.
Une rivière naît de ses affluents ; il y a, dans cette
montée, une mémoire partagée.
Je ne peins pas les visages des autres.
Non par principe, mais par nécessité. Il y a dans le fait
d’emprunter un visage une forme d’exposition, une charge que je préfère détourner. Le visage que je peins est une apparition intérieure, une montée lente, imprévisible, parfois récalcitrante. Je le laisse venir, charriant du sens sans vouloir l’illustrer.
Ce tableau travaille avec et contre Cézanne.
Il y a la question du siège, de l’attente, de ce qu’on porte et de ce qu’on ne rend pas. Mais surtout, il y a Hortense,
traversée non comme sujet mais comme tension :
ce qu’on voit d’elle, ce qu’on refuse de voir,
ce que le peintre garde pour lui.
À cet endroit, la peinture devient un terrain de retournement. Le fond se soulève. Les couleurs s’émulsionnent. La figure émerge sans se livrer.
Ce travail s’inscrit dans une recherche plus large sur
la transformation des figures, la hantise du visage,
et les zones de silence qu’on laisse survivre dans
l’image. J’essaie de peindre à partir de ces silences,
là où le langage vacille, là où Blanchot dirait qu’aucune
parole ne suffit, et où pourtant quelque chose insiste.


Exposition « À la recherche de Madame Cézanne« , Chapelle des Andrettes, Aix-en-Provence, saison Cézanne 2025.
Arts Vivants Aix
Commissariat : Rindala El Khoury
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